dimanche 3 juin 2012

Le tabou iranien : la persécution des Baha’is d’Iran

A l’occasion de la 10e édition de Uninvited Festival à Paris, qui s’est tenu le 14 et 16 mai et qui s’est achevée le 30 mai 2012, le cinéaste irano-néerlandais, Reza Allamehzadeh, a diffusé pour la première fois en France son documentaire Iranian Taboo, le tabou iranien. Un film de plus d’une heure sur les persécutions des Baha’is d’Iran.


Une vidéo sans doute avec un portable. On y voit une femme de confession baha’ie qui se tient debout au milieu d’une pièce où jonchent de nombreux cartons. Elle et sa fille de 14 ans sont sur le point de déménager et quitter l’Iran. Destination Kayseri, en Turquie.

« Tous les parents veulent que leurs enfants aient un bel avenir, puissent étudier. Mais ici en Iran, il est interdit à nos enfants d’aller à l’université » dit elle d’une voix remplie d’émotion.

Une petite partie de la communauté des Baha’is d’Iran quitte le territoire iranien pour s’installer en Europe, en Asie ou aux Etats-Unis. Des destinations où leurs droits les plus fondamentaux comme avoir accès à l’éducation supérieure, former des associations ou ouvrir un commerce sont respectés. Ce qui est loin d’être le cas en Iran où ils sont considérés, entre autres incriminations, comme des espions d’Israël !

Un certain nombre de témoignages de ce documentaire ont été filmés à l’aide d’un portable. Les images datent de 2010 et le film Iranian Taboo a été réalisé en 2011.

Bande-annonce du documentaire 


Le choix de la date de diffusion du film n’est pas anodin. Le 14 mai 2008, sept représentants baha’is ont été emprisonnés. Ils sont condamnés à 20 ans de prison. Ils sont accusés « d’atteinte à la sécurité nationale, d’espionnage et de propagation de la corruption ».

En Iran la persécution à l’encontre de la communauté baha’ie se traduit souvent par un harcèlement ou des menaces de mort, quand ce n’est pas des arrestations arbitraires. Les autorités iraniennes envoient des imams dans les villages où vivent les Baha’is pour les convertir de force à l’Islam. L’harcèlement touche également les enfants baha’is dans les écoles iraniennes.

Adoptez l’Islam ou partez

Les mariages baha’is, non musulmans, ne sont pas reconnus par la République islamique, les Baha’is retraités n’ont pas droit aux allocations de retraite.

Le documentaire Iranian Taboo montre que les autorités iraniennes ou les membres de la société civile vont jusqu’à dégrader les tombes baha’ies ou les biens des communautés. A titre d’exemple, plusieurs Baha’is ont vu leurs voitures brûlées. Et on peut également lire sur les murs des maisons baha’ies, "Adoptez l’Islam ou partez".

La persécution est aussi très répandue dans la société civile et les autorités iraniennes tirent profit du comportement de ses citoyens pour continuer à bafouer les droits humains des Baha’is.

Reza Allamehzadeh souligne que le nom "Baha’i" est devenu une insulte, une accusation. « Le clergé chiite iranien a transformé le nom d’une religion en insulte » précise-t-il.

La Constitution d'Iran légalise la persécution des Baha'is

Comme le soulignait l’enseignante-chercheuse, Hamdam Nadafi, lors d’une conférence à Paris, « la constitution iranienne reconnaît trois minorités religieuses : les zoroastres, les juifs et les chrétiens. En acceptant l’existence de seulement trois minorités religieuses, la Constitution légalise la persécution de la minorité religieuse baha’ie ».

A l’issue de la projection du documentaire, les spectateurs présents dans la salle ont pris la parole pour donner leur avis sur le film. Certains étaient assez critique vis-à-vis de Reza Allamehzadeh et d’autres comprenaient sa démarche très personnelle.

Mais parmi ces interventions, celle d’une spectatrice se démarquait du reste. Cette personne en question est l’une des filles d’un membre de la communauté baha’ie qui a été capturé par les autorités iraniennes, assassiné et enterré dans une fosse commune en 1978.

« En partance pour la France en octobre 1978, j’ai demandé à mon père pourquoi il ne venait pas avec moi ? Il m’a répondu qu’il faut que des gens restent en Iran pour défendre la cause baha’ie. De retour en Iran en décembre de la même année, mon père était mort et mes affaires personnelles comme mes photos de familles avaient été confisquées par les autorités iraniennes », raconte-t-elle.

Le rapport (*) 2010 du Secrétaire général des Nations unies fait état de « graves préoccupations » concernant les droits de l’homme en Iran. Le gouvernement iranien a un « recours excessif à la force, les arrestations et détentions arbitraires, les procès inéquitables » conclut le rapport.


* Note : La situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran. Rapport du Secrétaire Général. A/65/370, 15 septembre 2010.


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